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Actions américaines : bulle ou bull ?

Malgré un mois d’avril chahuté, les actions américaines (S&P 500 en $) sont en hausse de 7,4 % depuis le début de l’année, après une progression de 26,3 % l’an dernier.

Bien que les valeurs technologiques, en particulier les célèbres « 7 magnifiques », commencent à avancer en ordre dispersé, au gré de la publication des résultats trimestriels, il n’en demeure pas moins que les investisseurs s’interrogent. Les actions américaines sont-elles devenues trop « chères » ? Si oui, peut-on parler d’une « bulle » ?

Comme souvent, il n’existe pas de critères universels permettant d’identifier une « bulle » sur les marchés. La recherche académique évoque même des bulles dites rationnelles ou irrationnelles. Mais là aussi, des dissensions subsistent. De manière plus pragmatique, un phénomène de bulle se comprend comme une déviation trop importante du prix d’un actif par rapport à sa valeur intrinsèque (d’équilibre). Encore faut-il, là aussi, pouvoir déterminer cette dernière. De façon plus ironique, on a coutume de dire que l’existence d’une bulle ne s’observe qu’après son « explosion ». Autrement dit, une fois que le prix de l’actif en question a fortement chuté.

Quelques outils sont toutefois disponibles pour tenter de se faire une idée sur la question.

La cherté d’un marché d’actions peut s’appréhender au travers de ratios de valorisation. Ils sont construits en rapportant la capitalisation boursière d’un indice aux bénéfices prévus à 12 mois de ses constituants, à ceux des 12 derniers mois, à leur valeur comptable, etc. Le Cyclically Adjusted Price-to-Earnings ratio (CAPE)   – développé par le Professeur Robert Shiller (Nobel d’économie en 2013) – consiste à utiliser au dénominateur la moyenne des bénéfices des 10 dernières années ajustés de l’inflation, ce qui permet notamment de s’affranchir du passé trop récent ou des révisions de bénéfices attendus faites par les analystes.

Comme le montre le graphique ci-contre, la valorisation des actions américaines est historiquement élevée. Cette analyse doit toutefois être tempérée par la composition sectorielle de l’indice. Le poids des valeurs technologiques –  sociétés dont les attentes bénéficiaires sont grandes et qui se paient cher – n’était pas le même hier qu’aujourd’hui. Dès lors, les comparaisons historiques se limitent à la période récente. Au cours des 25 dernières années, le niveau actuel du CAPE n’a été dépassé que durant la bulle internet des années 2000 ainsi qu’au pic de la reprise post-covid en 2021. Aussi, pour complexifier la lecture, notons que le lien entre valorisation et performance à court terme est assez faible. Il n’est ainsi pas rare de voir continuer à croître le prix d’un actif malgré une valorisation jugée élevée. C’est en revanche sur un horizon plus long (10 ans) que la valorisation nous renseigne sur les performances futures.

Une autre relation s’observe avec les taux d’intérêt nominaux. Bien que séduisante, elle n’est pas toujours intuitive. Les taux américains encapsulent de nombreuses variables : la politique monétaire, l’inflation, les perspectives de croissance économique... La valorisation des actions peut ainsi augmenter de concert avec les taux, si l’environnement économique est par exemple favorable. Inversement en cas de récession induite par une politique monétaire restrictive (i.e. 1980). Des bulles peuvent aussi se former dans un contexte de baisse du coût du crédit, alimentant ainsi de « belles histoires » à l’instar de la bulle internet.

Depuis plus d’un an, le marché embrasse la thématique de l’intelligence artificielle, que rien ne semble arrêter, même pas la remontée des taux d’intérêt. Les valorisations apparaissent aujourd’hui tendues, mais elles sont portées par des perspectives bénéficiaires élevées qui, force est de le constater, sont pour le moment au rendez-vous. En retranchant des indices les géants de la technologie, il convient de noter que ces mêmes ratios sont bien moins extrêmes. La semaine dernière, les marchés américains ont progressé, dans le sillage des bons résultats trimestriels de certaines entreprises de la technologie, et ce, malgré des chiffres de croissance du PIB et d’inflation en demi-teinte. Ce rallye boursier s’est même propagé à des segments délaissés jusqu’alors.

Sans être en mesure aujourd’hui de pouvoir statuer sur l’existence d’une bulle, ce mouvement pourrait néanmoins se heurter à l’adoption par la Fed d’une rhétorique plus agressive lors de sa réunion du 1er mai, notamment si son regard sur l’inflation a (encore) changé...

Contenu rédigé par Florent Wabont, Économiste