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Une soirée-débat autour du sens de l'argent

Le Crédit Coopératif et Le Monde ont organisé mercredi 6 décembre une soirée-débat sur le thème "L’argent peut-il avoir du sens ?" L’occasion pour un parterre d’intervenants de revenir sur la relation entre les Français et leur épargne, ainsi que sur l’offre actuelle en matière de produits financiers dits "responsables".

"Alors que les crises successives ont montré les dangers d’une finance incontrôlable, souvent déconnectée du monde réel, un autre modèle est-il possible ? Quel rapport les Français entretiennent-ils avec l’argent ? L’épargne va-t-elle dans le bon sens ?" C’est à ces questions et à bien d’autres qu’ont tenté de répondre les intervenants présents mercredi 6 décembre à la conférence-débat "L'argent peut-il avoir du sens ?", organisée par Le Monde et le Crédit Coopératif.

"Nous ne sommes pas ici ce soir pour répondre aux questions habituelles que l’on pose à notre banquier (…) mais à une question qui me semble beaucoup plus intéressante, qui est le sens de l’argent et la manière dont on le partage", a annoncé dans son discours introductif Pascal Pouyet, directeur général du Crédit Coopératif, qui lançait il y a quarante ans le premier fonds de partage en Europe, en partenariat avec Terre Solidaire. "Aujourd’hui, les livrets Agir représentent plus d’un milliard d’euros d’encours qui permettent d’accompagner des associations (...) Le Crédit Coopératif est aussi la banque qui a le meilleur bilan en termes de CO2", a-t-il notamment salué, avant de passer la parole aux invités.

Quelle relation entre les Français et leur argent ?

Animée par Emmanuel Davidenkoff, journaliste au Monde, la première table ronde a réuni Paloma Moritz, directrice du pôle écologie du média Blast, Mathieu Perona, directeur exécutif de l’Observatoire du bien-être, et Arnaud Zegierman, sociologue et cofondateur de l’Institut Viavoice autour de la question "Quelle relation les Français entretiennent-ils avec leur argent ?" Ces derniers se sont notamment penchés sur la quatrième édition de l’Observatoire du sens l’argent du Crédit Coopératif, réalisé en collaboration avec Viavoice, dont plusieurs résultats ont été commentés : l’un d’eux concerne le niveau de connaissance généralement assez faible des Français vis-à-vis des mécanismes économiques. Or, "la méconnaissance mène au fatalisme, et le fatalisme à la défiance", a notamment alerté le cofondateur de Viavoice.

Un autre point discuté par les participants a porté sur la relation entre l’argent et le bien-être des individus. "Lorsque l’on demande aux gens ce qui les rend heureux, l’argent n’arrive en général pas en premier", a souligné Pamela Moritz. "Est-ce que l’argent fait le bonheur ? Récemment, l’Insee a montré avec un papier de Jean-Marc Germain que le moment à partir duquel la courbe de relation entre le revenu et la satisfaction de vie se situerait autour des 3 500 euros par personne en France", a ajouté Matthieu Perona. Les relations sociales, les amis ou la santé sont dominants dans la formation de la satisfaction de vie même si en France, le revenu semble peser plus lourd que dans d’autres pays européens". Pour autant, il ne s’agit pas forcément d’un rapport de consommation :

Si les Français attachent autant d’importance à l’argent, c’est d’abord pour des questions de sécurité : l’argent est un moyen de se prémunir contre les risques futurs, ce qui peut conditionner la façon dont les Français vont orienter leur épargne, en particulier le choix entre une épargne de précaution et une épargne d’investissement", a-t-il encore précisé.  

Au cours de leur échange, les trois intervenants ont également évoqué plusieurs leviers clés à activer pour faire évoluer le rapport des Français à l’argent, à commencer par la pédagogie. "Nous voyons qu’aujourd’hui, nous ne sommes pas dans une logique de basculement, mais dans une logique de tiraillement, a analysé Arnaud Zegierman. Nous avons le sentiment d’être tiraillés entre nos aspirations de citoyens et nos envies de consommateurs. Essayer de réconcilier ces deux aspects est très compliqué et un élément fondamental est l’éducation (…) Consommer de manière plus éthique/responsable est considéré par 40 % des Français comme compliqué".

Au-delà de la pédagogie, l’action publique est aussi attendue. "Il y a une partie de la population à qui on a expliqué pendant des années que le meilleur endroit pour élever ses enfants était le pavillon en périurbain chauffé au fioul et avec deux voitures, a notamment illustré Mathieu Perona, citant l’exemple des gilets jaunes. Désormais, on leur dit que cela ne passera pas la rampe de la transition écologique et qu’il est nécessaire de changer de vie. Il faut une politique publique d’accompagnement de ces populations."

Comment donner du sens à son argent ?

Alors que la chute de Lehman Brothers, qui a précipité la crise des subprimes en 2008, a récemment fêté ses 15 ans, la journaliste du Monde Marie Charrel, spécialiste des questions de finance internationale, a quant à elle commenté le temps d’un intermède les leçons tirées (ou non) de cet événement. "Les régulateurs ont pris des mesures pour éviter que la même crise se reproduise. On a demandé aux banques d’avoir plus de fonds propres, on a mis en place un superviseur bancaire à l’échelle européenne (…) Mais nous n’avons pas vraiment changé de système et nous faisons encore face à une finance qui s’est beaucoup dérégulée dans les années 80", a-t-elle notamment souligné, avant d’ajouter : "Entre la conscience et l’action, il y a un grand pas qui n’est pas toujours franchi".

La seconde table ronde de la soirée a réuni Patrick Sapy, directeur général de l’association FAIR, qui assure la promotion de l’épargne et de la finance solidaire, Lucie Pinson, directrice de l’ONG Reclaim Finance, et Maxime de Rostolan, ingénieur et militant écologiste, fondateur directeur général de Sailcoop, une coopérative de transport de passagers à la voile. Les trois intervenants ont débattu autour de la thématique "Comment donner du sens à son épargne ?", dans un contexte où au binôme classique "rendement/risque" s’est désormais greffé une troisième notion, celle de responsabilité.

Le directeur général de FAIR est notamment revenu sur les origines de l’épargne solidaire, qui affiche une dynamique de croissance forte ces dernières années, jusqu’à représenter désormais quelque 26 milliards d’euros d’épargne en France. Une goutte d’eau dans l’ensemble de l’épargne cependant, "puisqu’on estime le patrimoine financier des Français à 6 000 milliards d’euros", a-t-il nuancé.

"Pour nous, la finance solidaire est un peu le symptôme d’une finance en quête de rédemption, qui continue de financer des pratiques qui nous mènent au chaos. Elle donne moyen aux épargnants de faire autre chose de leur argent. Par exemple, renoncer à toute ou partie des taux d’intérêt générés par l’épargne pour les verser à des projets à impact. Le problème c’est que c’est encore largement insuffisant (…) Il est impératif que l’on s’assure que les investissements soient alignés avec les critères minimums définis par la science climatique", a ajouté Lucie Pinson, alors que le gouvernement a récemment annoncé que les fonds investissant dans des entreprises exploitant "du charbon ou des hydrocarbures non conventionnels, ainsi que celles qui lancent de nouveaux projets d’exploration, d’exploitation ou de raffinage d’hydrocarbures (pétrole ou gaz)" ne seront plus éligibles au Label ISR à partir de 2024. "Cette réforme est une bonne nouvelle, mais on attend que le régulateur aille beaucoup plus loin pour s’assurer que tout produit commercialisé sous l’étiquette verte, durable ou responsable respecte une ligne rouge tracée par la science".

Pour mettre de l’ordre dans la jungle de produits ISR distribués aujourd’hui sur le marché, les intervenants ont cité différents leviers. Les labels notamment demeurent une première balise essentielle pour les épargnants : les labels publics ISR et Greenfin, mais aussi le label Finansol pour les produits solidaires. En parallèle, l’éducation à la fois des épargnants et de leurs conseillers est une autre voie à privilégier. Le gouvernement et les régulateurs, enfin, doivent aussi jouer un rôle important, a insisté Lucie Pinson : en proposant par exemple un étiquetage des produits, en veillant à ce que, par défaut, les conseillers financiers proposent des fonds qui soient alignés sur des objectifs scientifiques, ou encore en effectuant des contrôles pour s’assurer qu’il n’y ait pas d’allégations environnementales trompeuses et sanctionner les acteurs qui s’y adonnent.

En partenariat avec le Crédit Coopératif.

Retrouvez l’intégralité de la soirée-débat "L’argent peut-il avoir du sens ?" :